Le confiage d’enfant, une pratique traditionnelle en Afrique de l’Ouest, pouvant mener à une grande vulnérabilité

L’histoire de chaque jeune fille accueillie au Centre de Transit Communautaire de l’ONG Cavoequiva est unique. Néanmoins, 99% des écoutes des pensionnaires relatent une situation de confiage, qui a mené l’enfant a une grande vulnérabilité. Victimes de traite, d’exploitation économique, ou d’abus, elles sont issues de Côte d’Ivoire et de toute la sous-région.

“ Je vivais avec ma mère au village. Un jour, ma grand-mère m’a remise à une amie pour que je garde ses enfants à Abidjan. Je faisais la vaisselle et le ménage chaque jour, et je surveillais les enfants. Un jour, la dame m’a frappée alors j’ai fugué.”

J., 13 ans.
Jeune fille accueillie à l’ONG Cavoequiva

Le confiage: qu’est-ce que c’est?

Le confiage est une pratique traditionnellement observée au sein des dynamiques familiales en Afrique de l’ouest. 

Ce phénomène correspond au fait qu’un enfant transite depuis le foyer de ses parents biologiques vers le foyer d’un membre de la famille, d’un ami, ou d’une simple connaissance. Le confiage a toujours lieu après accord des parents de l’enfant. Il s’inscrit sur une durée temporaire mais souvent indéterminée. En Afrique de l’Ouest, l’enfant peut être amené à circuler dans un autre pays de la sous-région dans le cadre de son confiage.

En Côte d’Ivoire, c’est un phénomène très courant puisqu’il concerne plus de 20% des enfants

Pour quelles raisons les parents ont-ils recours au confiage ? 

A l’origine, le confiage est un phénomène qui s’inscrit dans une logique de solidarité au sein d’une communauté.

En effet, en Afrique de l’Ouest, au-delà d’être l’enfant de ses parents biologiques, un enfant est considéré comme membre de toute une communauté (amis, voisins, oncles et tantes, …). Il peut donc logiquement circuler au sein des différents ménages de cette communauté.

Le confiage vient le plus souvent répondre à un besoin de la famille biologique de l’enfant. Il peut être une manière de soulager la famille biologique de l’enfant en situation de difficulté ; en cas de séparation des parents, de maladie, d’incapacité à gérer la charge économique de l’enfant, ou en cas de surmenage… Le confiage peut aussi être lié au fait que les parents biologiques souhaitent assurer la socialisation et l’éducation de leur enfant (scolarisation, formation professionnelle, éducation par un tiers, accès à un meilleur statut social). Il peut aussi y avoir un enjeu de renforcement de liens familiaux ou d’alliance avec des proches éloignés, grâce au confiage de l’enfant. 

Pour la famille qui accueille l’enfant, cela se fait dans une réelle logique de solidarité pour soulager la famille biologique. 

Pensionnaire ONG Cavoequiva au centre de transit communautaire

 « Je vivais au village avec ma grand-mère. Un jour, ma tante est venue et a dit à ma grand-mère qu’elle allait me prendre avec elle à Abidjan pour que je continue mes études. Ma grand-mère a donné son accord. A mon arrivée à Abidjan, ma tante m’a emmenée chez une dame qui faisait du commerce. J’ai commencé à vendre pour elle. J’ai fini par fugué car elle ne me traitait pas bien. »

P. 12 ans.

La traite, une menace pour les enfants confiés.

Dans de nombreux cas, la confiage a un impact positif sur la trajectoire de vie de l’enfant (notamment à travers la scolarisation). Malheureusement, comme nous le constatons à l’ONG Cavoequiva, il existe de nombreuses dérives, de plus en plus fréquentes, liées à ce phénomène.

D’une part, malgré des promesses de scolarisation auprès de la famille biologique, des enfants confiés se retrouvent régulièrement exclusivement exploités pour le ménage ou le commerce au sein du foyer d’accueil.  Souvent l’enfant abandonne l’école car la charge des tâches ménagères réalisées pour aider la famille d’accueil devient trop importante. Il arrive aussi qu’à l’insu des parents, la famille d’accueil confie l’enfant à une autre famille d’accueil. Cela en vue de bénéfices économiques contre le travail forcé de l’enfant.

D’autre part, on observe des parents en situation de détresse, qui confient leurs enfants avant tout pour travailler, et dans l’attente d’une contrepartie financière. En effet, les crises économiques des dernières années, et la paupérisation des familles, tendent à orienter la pratique de confiage vers un transfert de main d’œuvre. Ainsi, à l’ONG Cavoequiva, une grande proportion des jeunes filles accueillies ont été confiées par leurs parents délibérément pour travailler. 

Quel que soit le cas de figure, ce sont des personnes mal intentionnées qui abusent de l’ignorance ou de la détresse des parents, pour se voir confier l’enfant.

Si l’enfant confié se retrouve en situation de travail forcé, il est considéré comme victime de traite des personnes, à des fins d’exploitation économique. On observe également, parmi les filles accueillies au sein de Centre de Transit de l’ONG, d’autres cas de traite à des fins d’exploitation économique (notamment en cas d’exploitation sexuelle), ou encore de mariage forcé.

Les dérives du confiage, à l’origine d’une grande vulnérabilité pour les enfants.

Dès lors que l’enfant confié se retrouve en situation de traite (travail forcé, exploitation sexuelle, …), il y a un risque pour sa santé psychologique et physique : abus, mauvais traitements, défaut d’affection… Cela peut être à l’origine d’un traumatisme pour l’enfant, et nécessiter une prise en charge psychologique. Par ailleurs, la maltraitance physique peut être à l’origine de la fugue de l’enfant. Il quitte le foyer de ses exploitants pour se retrouver dans la rue. Il y restera jusqu’à ce qu’une personne bien intentionnée ou la police le récupère et le conduise par exemple à l’ONG.

Le confiage à des fins de travail forcé est un phénomène qui touche plus largement les jeunes filles que les garçons. En effet, celles-ci sont “privilégiées” lorsqu’il s’agit de garder un enfant au sein du ménage d’accueil, ou de faire des travaux domestiques. Les filles sont également privilégiées dans un contexte d’exploitation sexuelle ou de mariage forcé. En revanche, la circulation d’enfants à visée de scolarisation est bien plus fréquente pour les garçons que pour les filles.

Jeune fille accueillie à l’ONG Cavoequiva

Les chiffres à l’ONG Cavoequiva.

Dans ce contexte, la mission de l’ONG Cavoequiva prend tout son sens. Depuis la création de son Centre de Transit Communautaire en 2011, l’ONG a accueilli plus de 1280 jeunes filles. 

Près de 70% sont des jeunes filles victimes de traite. 

Plus de 20% sont issues de la sous-région (Maliennes, Guinéennes, Burkinabè, Nigérianes, Béninoises, …).

Aidez-nous à protéger les jeunes filles vulnérables en Côte d’Ivoire

N.B: Le plus souvent, les parents et exploitants ignorent que la loi interdit le travail des enfants. Il y a aussi une méconnaissance quant à l’obligation de scolarisation jusqu’à 16 ans en Côte d’Ivoire. C’est pourquoi la sensibilisation est essentielle sur ces sujets. Ainsi, l’ONG Cavoequiva mène de nombreuses campagnes de sensibilisation. Celles-ci ont lieu au sein des communautés, sur les lieux de réunifications à l’intérieur du pays, et auprès des familles reçues à l’ONG en vue d’une médiation et du retour de l’enfant à la maison.